lundi 30 avril 2018

La brume en août, l'histoire vraie d'Ernst Lossa


 


Il y a quelques mois, j’ai traduit, pour les éditions Anne Carrière, La brume en août de l’auteur allemand Robert Domes.
Ernst Lossa a quatre ans au début du roman. On l’accompagne pendant une dizaine d’années.
Il ne s’agit pas d’un personnage fictif. La brume en août est le récit de la vie d’un petit garçon condamné pour un « crime » auquel il ne peut rien. Ernst est en fait une épine dans le talon du national-socialisme  qui se voudrait « pur » : il est yéniche. Il fait donc partie de ces gens dont on ignore  d’où ils viennent précisément ; de ces êtres qui ne sont bien que sur les routes quand on fiche et enferme ceux qui contreviennent aux lois  de contrainte et de surveillance ; de ces individus qu’on appelle Tziganes, alors qu’ils n’en sont pas (mais qu’importe ! on n’est pas à une sottise ou un amalgame près). Ernst n’est qu’un môme enlevé à sa famille et qui meurt à l’hôpital, entre médecins et autres personnels soignants après avoir été inexorablement entraîné vers le point de non-retour par la folie des hommes.
Par celle d’Hitler ? Bien sûr, mais pas uniquement : Hitler seul n’aurait jamais pu enfermer et euthanasier Ernst.
Grâce à La brume en août, Robert Domes, l’auteur, a rendu à Ernst Lossa une partie de ce qui lui a été volé. Au gamin qu’on a rayé de la carte, auquel on a nié tout droit d’exister, il a redonné vie.
Robert Domes a patiemment fait la lumière sur ce que vivaient les Yéniches sous le IIIe Reich, il a fouillé les archives des endroits où Ernst est passé, il a écrit L’histoire vraie d'Ernst Lossa, il a mis en lumière les agissements des partisans de l’eugénisme et il a montré le rôle peu glorieux des médecins et personnels soignants au sein des établissements psychiatriques dans les heures les plus sombres de l’histoire contemporaine.
La brume en août. L’histoire vraie d’Ernst Lossa est une œuvre nécessaire (un drôle de mot pour une tâche aussi grande que celle de mettre un pan d’histoire en lumière et de ramener à la vie un enfant injustement sacrifié). En Allemagne, on fait désormais lire aux élèves ce roman écrit sans pathos, qui n’en est pas moins un témoignage (historique) bouleversant.
J’ai aimé faire ce travail de traduction et je reviendrai sur ce texte et l’histoire d’Ernst Lossa à l’occasion de prochains billets.

jeudi 26 avril 2018

Civilités (2)

Les civilités reviennent fréquemment dans les textes, et là encore il y a de nombreuses erreurs.
Trois écritures sont possibles :
-          en abrégé : M., Mme/Mme, Mlle/Mlle
-          au long sans majuscule : monsieur, madame, mademoiselle
-          au long avec majuscule : Monsieur, Madame, Mademoiselle
Entre ces trois options, pas question de faire un choix au hasard et de s’y tenir dans tout un texte. En effet, chacune correspond à un usage précis.
On abrège :
-          devant un nom, le prénom ou un titre lorsqu’on parle d’une personne, dans les parties narratives d’un texte par conséquent :
o   M. Michel entra dans la pièce.
o   M. le maire devrait être présent à cette manifestation.
On écrit au long sans majuscule :
-        si on s’adresse directement à la personne. C’est donc la forme que l’on retiendra pour les dialogues :
o   Bonjour monsieur !
o   Permettez, mademoiselle, que je vous explique ce qu’il en est !
-          si le terme est employé seul :
o   Il confesse ne pas connaître madame.
On écrit au long avec une majuscule :
-          si le titre de l’ouvrage commence par une civilité — et uniquement dans ce cas 
o   Madame Bovary (mais Les Vacances de M. Hulot)
 

 
-          si la civilité est un titre honorifique historique 
o   Monsieur, frère du roi
-          si on s'adresse par écrit directement aux personnes elles-mêmes, dans l’appel et la salutation d’une lettre, ou sur une carte d’invitation 
o   Veuillez agréer, Monsieur,…
-          si on marque le respect de la personne qui parle envers la personne dont il est question
o   Navré, mais Madame est sortie

mardi 24 avril 2018

Civilités (1)

Voici une règle simple qui pose pourtant problème dans de nombreux textes qui arrivent en correction.  
L’abréviation de monsieur est M., pas Mr. Mr est l’abréviation de Mister.
L’abréviation de madame est Mme. Le « me » final peut au choix être indiqué en exposant ou pas : Mme ou Mme.
Mademoiselle s’abrègera en Mlle, le « lle » étant lui aussi en exposant ou pas : Mlle ou Mlle.
Au pluriel, on trouvera MM. pour messieurs, Mmes ou Mmes pour mesdames, Mlles ou Mlles pour mesdemoiselles.
Attention : Le point après M. et MM. n’est pas optionnel.
Quand on fait un choix (exposant ou pas), il faut s’y tenir tout au long du texte, qu’il s’agisse de dix lignes ou d’un roman d’un million de signes. Pensez à vérifier l’harmonisation.
Remarque typographique : on ne sépare pas une abréviation de titre de civilité du nom qui la suit. Le mieux pour éviter toute séparation est d’insérer une espace insécable entre l’abréviation et le nom.

lundi 23 avril 2018

De nouveau ou à nouveau ?

Les auteurs utilisent souvent les locutions adverbiales à nouveau et de nouveau comme si elles étaient interchangeables.
Pourtant elles ne le sont pas :
·         À nouveau signifie « de façon complètement différente, par une tentative différente de la première ».
·         De nouveau signifie « derechef, encore une fois de la même façon ».
On peut penser qu’un correcteur qui demande ce genre de remplacement pinaille. Mais cette distinction est tout, sauf un détail.
Imaginez le récit d’une audition. Y lire qu’on que l’on demande à l’artiste de faire de nouveau sa prestation signifie qu’on veut la même. En revanche, si celui-ci est sollicité pour la faire à nouveau, on lui indique qu’on en veut une différente.
Avouez que, pour le candidat comme pour l’auteur, la nuance n’est pas mince…

samedi 21 avril 2018

Les jours et les mois

Au fil d'un récit, les repères dans le temps sont fréquents. Voici donc une source d'erreur qui revient souvent. Le souci : majuscule ou pas ?
Les noms de jours et de mois doivent être écrits en bas de casse (minuscules), sauf en début de phrase.
-          Septembre est le mois que je préfère.
-          Je suis née en octobre.
Ils prennent, le cas échéant, la marque du pluriel :
-          Tous les samedis, il se rend au marché.
-          Des septembres ensoleillés donnent le sentiment d’un été sans fin.
Attention : quand on mentionne une date pour évoquer un événement historique et que l’année n’est pas indiquée, le nom du mois prend une capitale :
-          le 14 Juillet/le 14 juillet 1789
-          le 11 Septembre/le 11 septembre 2001
Pour des événements historiques, le mot dit caractéristique pourra prendre une majuscule. On trouvera par conséquent des jours et des mois débutant par une capitale :
-          Mai 68
-          la monarchie de Juillet
-          le Vendredi noir
-          la révolution d’Octobre
Si le nom d’un jour spécifique est  sans complément, on lui met une majuscule. S’il en a un, c’est ce dernier qui prend la majuscule puisqu’il est considéré comme nom spécifique.
-          Mardi gras ; Vendredi saint/ mercredi des Cendres

 

vendredi 20 avril 2018

Les noms propres

L’auteur de fiction nomme le plus souvent ses personnages. Or il arrive fréquemment, et bien plus souvent qu’on le pense, que les noms soient modifiés en cours de route. Un Dupond deviendra parfois Dupont, une Corine pourra devenir Corinne — pour ne vous donner que des exemples simples. Et je ne vous parle pas des noms de personnalités écrits dans une orthographe parfois fantaisiste…
Si la vigilance vaut pour les fictions, elle est aussi de mise pour les essais et les  documents (où mal orthographier les noms propres peut aisément passer pour une lacune dans la connaissance du sujet traité).
Attention : quelle que soit la nature du texte, on doit s’assurer de l’orthographe des noms propres à chaque première occurrence et en vérifier l’harmonisation dans le reste du texte au moment de la relecture.
 
 
Remarques typographiques :
Pour les établissements, édifices et ouvrages d’art, etc., les éléments des noms sont liés par des traits d'union : le musée Pablo-Picasso, l’école Jean-Zay, le prix Louis-Delluc, etc. Il en va de même dans les noms de rues, avenues, etc. : place Jean-Moulin ; pont Gustave-Eiffel...
Il est toutefois déconseillé de faire figurer les traits d’union dans les adresses postales.
Les noms propres  ne devront jamais être coupés en fin de ligne.

jeudi 19 avril 2018

Facile... ou pas, la rubrique pour ceux qui (se) relisent.


Certaines erreurs reviennent régulièrement d'un texte à l'autre.

Dans cette rubrique seront rassemblés des billets consacrés à des points d’écriture faisant fréquemment l’objet de corrections.  

J’espère que ces notes mettront au fur à mesure en lumière le fait que, si les règles de base sont connues du plus grand nombre, il existe une foule de particulariés au sein même de chaque règle générale et que les fautes ne sont pas toujours celles que l’on croit…

mardi 17 avril 2018

Corriger, ça me tente bien...


Ce blog émerge d’un long sommeil dont résultent de nombreux romans à retrouver sous les onglets correction et traduction, et quelques réflexions sur la pratique de chacune de ces activités.

En guise de billet de réveil, j’ai choisi de reprendre un statut Facebook rédigé il y a plusieurs mois en réaction au message de sollicitation qu’un contact m’avait adressé. Voici mon post légèrement remanié.

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Je ne cache pas le plaisir que me procure mon travail (traduction et correction/relecture).

Voilà qui semble susciter bien des vocations, puisque je reçois régulièrement des messages dont les expéditeurs me demandent de les recommander à des éditeurs, au motif que l’activité serait tentante.

Qui, à part les auteurs, les traducteurs et les éditeurs ­­qui s’expriment assez rarement à ce sujet, a idée de ce qu’est vraiment la correction ? Nous, correcteurs, bien sûr. Pourtant nous sommes de ces gens de l’ombre auxquels on donne peu la parole.

Il existe différents types de correcteurs, dans la presse, sur le Web ou dans l’édition. C’est à cette troisième catégorie que j’appartiens et c’est donc d’elle exclusivement que je peux parler.

Corriger est un métier qui s’exerce pour le compte d’une maison qui embauche et salarie un ou plusieurs professionnels. De nombreuses maisons étant dans l’incapacité de proposer un emploi à temps plein ou partiel, elles font appel à des correcteurs indépendants. Ceux-ci travaillent alors pour plusieurs clients auxquels ils facturent les prestations selon un tarif négocié en amont. Après perception de la rémunération, ils paient leurs charges. Le correcteur indépendant doit avoir le droit d’établir des factures, et de fait être déclaré comme (auto)entrepreneur. Il est par conséquent impossible de recommander quelqu’un qui n’a pas son entreprise individuelle.

La question du statut professionnel étant posée, il reste à s’interroger sur la nature de l’activité et les compétences. Il ne suffit pas d’être bon en orthographe. Il faut autre chose qu’un résultat honorable ou même brillant à une dictée, fût-elle de Pivot. Bien des points méritent attention : la syntaxe, la typographie, les niveaux de langue, etc. Enfin, les contenus et le sens doivent également être vérifiés. Bref, c’est un peu plus compliqué que ça en a l’air.

Trop occupé à pointer du doigt les défaillances du correcteur, on ne salue quasiment jamais l’invisible plus-value qu’apporte son travail. Le fait qu’il reste quasi inévitablement des coquilles suffit à donner l’illusion aux lecteurs de pouvoir aisément faire aussi bien, voire mieux.

Pas certain ! Pour information, 1 000 interventions sont monnaie courante sur un texte de 400 000 signes, même rédigé par d’excellents auteurs… Pour arriver à ce nombre, le correcteur doit faire preuve de curiosité et d’humilité et contrôler jusqu’aux règles qu’il croit connaître. Sa mission est aussi de faire des suggestions de reformulation à l’auteur — qui les acceptera ou non.

Beaucoup imaginent que le correcteur procède à une lecture peut-être un peu plus lente que la lecture « normale », alors qu’il faut prendre le temps de contrôler chaque mot, se mettre chaque phrase en tête et en bouche, sans oublier de la considérer isolément, puis par rapport à ses voisines. Auteurs et éditeurs eux-mêmes ont du mal à comprendre que relire n’est pas lire, ce qu’illustre le fait que le correcteur doit fréquemment se battre contre les délais trop courts.

Corriger est complexe, chronophage et ingrat, donc rarement reconnu et payé à sa juste valeur. Ce qui vient contrebalancer ce constat en demi-teinte, les correcteurs d’édition vous le diront tous, c’est que la tâche est passionnante. Exercé à domicile ou en autoentrepreneuriat, le métier est tout à fait adapté à des professionnels épris de la liberté de (beaucoup) travailler où et quand ils veulent.

Je suis de ces passionnés et je connais les exigences parfois implacables de ce métier. Par conséquent, n’en déplaise à ceux pour qui j’ai par ailleurs de l’estime ou de l’affection, ma conclusion va de soi : engager à la légère ma propre crédibilité professionnelle, c’est clairement non.
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J’expliquerai et commenterai les différentes parties de ce texte dans des notes à suivre.